Un an de choeurs : mon expérience à la chorale


Le but de ce site étant de partager des expériences, et pourquoi pas de favoriser des vocations, je vais donc vous faire partager la mienne depuis un an maintenant.

J’ai été « recruté » lors du buffet qui clôturait le concert de Noël fin 2013. Agnès cherchait des hommes pour les chœurs d’Hoffmann.
Je lui ai répondu que je n’avais pas de voix, mais que j’essaierai. Le lundi, j’y suis allé sans aucune motivation, juste pour respecter l’engagement qui m’avait été arraché.
Anna m’a auditionné. Verdict Ténor 2. C’est parti !!! sauf qu’à ce moment-là je me demandais toujours ce que je faisais là !
Puis je suis venu tous les lundis. J’ai été séduit par l’ambiance, la personnalité d’Anna qui insuffle la bonne humeur avec une énergie sans limites.

J’arrivais dans une chorale en partie formée; celle de Marolles venait en renfort sur le projet. J’ai été accueilli très chaleureusement.
Au début, comme à l’école, on reçoit la partition et après un échauffement on apprend à chanter : Le rythme, les notes. Chaque pupitre (basse, ténor, alti, soprane) a les siennes ce qui fait une belle cacophonie lorsqu’on essaye tous ensembles : c’est un peu voire pas mal faux (j’ai des preuves sonores que je me garderai bien de fournir), on a tendance a se caler sur les voix des femmes qui sont plus nombreuses et plus claires…
Le fait que ce soit réellement mauvais me permet (bon côté des choses) de prendre progressivement la mesure des possibilités d’une voix que je pensais proche de zéro.

Puis patiemment et finalement assez rapidement, tout prend sa place. Le chœur commence à sonner. Les femmes (qui ne font que les glou-glous) nous quittent plus tôt et nous attaquons « la taverne » qui est le gros des chœurs acte 1 et 5 pour les hommes.
Les progrès étaient mesurables et j’ai vraiment commencé à prendre plaisir à ces séances, au point d’ajouter celles du jeudi à Marolles.

Parallèlement, Anna nous a proposé de travailler des chants baroques pour un concert prévu en mai. Peu amateur de baroque ou de chants médiévaux, je n’ai accepté que parce qu’il manquait des ténors. Avec le recul, je dois avouer que musicalement c’était très beau et magnifiquement servi par les instruments d’époque, le cadre et l’acoustique de cette belle église de St Germain les Arpajons.

Hoffmann progressait, nous préparions également d’autres chants assez simples pour le spectacle du conservatoire de Lardy. Nous avions tous fait connaissance et le groupe était maintenant bien soudé.

Interruption de 2 mois et demi pour les vacances, reprise fastidieuse pour beaucoup. La dynamique était un peu tombée, pas mal de choses oubliées… Hoffmann arrivait à grands pas, nous ne nous sentions pas du tout prêts. Même si nous avions vu la plupart des passages il fallait caler les nombreuses interventions difficiles à travailler isolément. Nous n’avions pas vu les solistes ni la partie scénique. Nous n’avions pas non plus la vision d’ensemble de l’ouvrage qui aurait pu nous permettre de placer tous les morceaux qui n’avaient pas été appréhendés dans l’ordre.

Septembre a connu une accélération importante. Répétitions le week-end. Début octobre, rencontre d’Alexandra la chef d’orchestre. Simple, dynamique, beaucoup d’humour, une compétence manifeste qui a été un soutien moral important. Nous ne pouvions qu’y arriver.

Tout s’est accéléré, il a fallu intégrer la partie scénique. Le chant pendant des déplacements, les actions… puis les costumes. Pendant un temps Hoffmann était omniprésent dans nos vies et dans nos têtes.

Vers la fin tout est allé très vite. Rencontre avec les solistes, l’orchestre, les costumes. À ce moment, nous n’étions plus des choristes en train de préparer Hoffmann, nous étions dans Hoffmann, y compris pour les 25 enfants et ados qui se sont beaucoup investis. Les solistes ont été d’une grande gentillesse. Des personnes souvent fragiles, qui doutent. De vrais artistes ! Chacun a son truc pour se détendre. Le travail, le yoga, des huiles… De mon coté, en tant que choriste ne n’ai ressenti ni tension ni trac. Il y a tant de choses à faire : bouger « naturellement » tout en regardant la chef, chanter juste et au bon moment, ne pas oublier les petites interventions… J’étais totalement dans l’ouvrage et n’ai ressenti le public qu’à la fin en voyant les sourires, en entendant les applaudissements. Pour nous les choristes, ce n’est que du bonheur. Nous n’avons pas la pression d’oublier un dialogue, de rater une note ou d’avoir un graillon (gène dans la gorge) au mauvais moment.

Mes actes préférés étaient Giulietta et Antonia pour la beauté des airs et la générosité des interprétations. Actes sans ou presque sans chœurs, je me mettais dans les coulisses, faisais un sourire, un discret signe d’encouragement que je voyais bien reçu et écoutais. Des moments magiques pendant lesquels j’avais l’impression égoïste que les solistes chantaient pour moi. Je chantais intérieurement les morceaux, vivais avec eux les passages difficiles, profitais de la beauté des voix. Un grand moment qui est totalement différent lorsqu’on connait les artistes, et que cette connaissance ajoute encore à l’émotion de leur prestation.
Les deux représentations se sont passées très et trop vite. Il reste le souvenir de moments merveilleux.

Ce lundi je retrouvais Anna qui dans l’ombre a fait un travail extraordinaire et qui, je l’espère, a au moins été récompensée par ce que nous avons fait. Cette année je ne suis plus à la chorale par hasard.

 

Eric Sautrel

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